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Quelques pistes pour adapter
L'adaptation est bien le maître mot de la pédagogie différenciée, celle dont tous les enfants à Besoins Educatifs Particuliers doivent pouvoir bénéficier.
Je ne vous ferai pas la liste de toutes les adaptations possibles car il y en a pléthore et vous en trouverez un peu partout. Il y en a d'ailleurs tellement qu'il faut savoir faire le tri et se poser la question: Qu'est-ce qui serait vraiment utile à cet élève? Il faut tester, voir ce qui marche ou non et ne pas vouloir tout mettre en place tout de suite. Prenez le temps de connaître vos élèves et de repérer leurs intelligences et les domaines où ils ont besoin d'une compensation.
Je vais donc vous indiquer (et je tenterai de mettre à jour dès que cela sera utile) les adaptations que je mets en place dans le dispositif.
En lecture:
- La police d'écriture: Arial ou Open Dyslexic taille 14 et espacement des interlignes de 1,5. On choisit ces polices car les lettres n'ont pas d’empâtement, c'est à dire les petits "retours" qu'on voit souvent aux pieds des lettres et qui parasitent la lecture des enfants porteurs de troubles du langage écrit (types dyslexie, mais cela peut aussi être nécessaire pour des personnes dysphasiques pour qui la lecture est aussi parfois compliquée).
- Pour les élèves qui ont le plus de difficulté, en particulier pour la segmentation, j'utilise le logiciel Coupe-mots dans le pack Dys-Vocal. Vous le trouverez ici dyslogiciel.fr
Je précise que je ne touche rien pour cette publicité, je ne fais que partager les outils que j'emploie.
En ce qui concerne mes élèves, je l'utilise surtout pour l'opposition syllabique, c'est à dire que le logiciel colore alternativement les syllabes en rouge et bleu, en gris les lettres muettes, noir s'il n'y a qu'une syllabe. Cela permet à l'enfant qui ne sait pas où s'arrête la syllabe de percevoir plus vite le sens du mot. L'inconvénient est que l'enfant ne devient pas autonome dans la lecture au quotidien car rien dans la vie n'est adapté pour lui, mais ça lui permet, lorsque l'objectif est au-delà de la lecture (compréhension, recherche, consigne...) de compenser la difficulté.
Le logiciel propose aussi de colorer en alternance les lignes, ça c'est bien pour l'enfant qui ne sait pas faire le retour à la ligne et qui va en sauter une ou relire deux fois la même. On peut aussi ne colorer que les sons complexes ou certains sons choisis et définis à l'avance. Et puis, j'ai découvert récemment que sur la dernière version on peut enregistrer les paramètres pour différents enfants. On peut créer les critères pour plusieurs enfants, par exemple Julien a besoin de l'opposition syllabique, Caroline a besoin d'un espacement plus important car elle a des troubles visuels, et Dylan bloque sur le graphème ph, je peux enregistrer leurs propres critères et modifier le document autant de fois que nécessaire. Alors, évidemment, ça veut dire des impressions en couleur et donc en quantité. C'est un critère qu'il ne faut pas négliger. Deuxième bémol, le logiciel n'est plus gratuit, enfin, seulement pour 20 utilisations - et on y est vite - mais si vous êtes plusieurs du même établissement à l'acheter, les prix sont dégressifs.
On trouve aussi sur ce même logiciel une possibilité de lecture par l'ordinateur et de dictée vocale, mais là, il faut vraiment une bonne diction. J'ai testé avec une élève qui a de gros troubles articulatoires, c'est impossible car l'ordinateur ne décrypte pas le message. Et évidement, ça ne corrige pas la syntaxe. Mais si on dicte à l'ordinateur et qu'on lui demande une synthèse vocale, on peut tout de suite entendre et demander à l'enfant: c'est ça que tu as voulu dire? Car dans le cas des dysphasies, l'enfant sait le message qu'il veut produire, mais les mots ne sortent pas dans l'ordre ou pas les bons mots. On peut alors reprendre et tenter la correction.
- Pour l'apprentissage de la lecture, j'alterne entre la méthode d'imprégnation syllabique de Garnier-Lasek, les alphas et la gestuelle Borel-Maisonny. Une petite combinaison des 3, avec un repérage de ce qui marche le mieux avec tel ou tel élève. Si un élève a du mal à entendre les sons, l'emploi des gestes peut s'avérer vraiment efficace.
- Lorsqu'on travaille un texte en lecture, rien n'empêche de préparer en amont avec les lecteurs en difficulté (sur les temps d'APC par exemple) ou de ne donner à lire que quelques mots clés ou quelques phrases, histoire que l'enfant puisse tout de même suivre le même contenu que les autres. On peut aussi avoir un référentiel avec les mots importants et leur pictogramme si besoin (selon le niveau). Pour les pictogrammes, j'en au déjà parlé , mais j'utilise la banque de pictos Arasaac, téléchargeable gratuitement.
- Lorsque la difficulté de lecture est l'obstacle principal et qu'il empêche tout le reste: leçons, poésies, consignes... pourquoi ne pas faire appel à un lecteur réel ou virtuel (cf la synthèse vocale) ou à l'utilisation d'un enregistrement audio? Par exemple, j'enregistre ma version de la poésie et je la mets sur une clé usb ou directement par mail, l'enfant n'a plus qu'à l'écouter en boucle à la maison. Idem pour une leçon.
En écriture:
- Si l'enfant ne se repère pas dans l'espace de sa feuille et en particulier sur les lignes des cahiers, je lui imprime des lignes en couleur : les lettres se posent sur la terre (ligne marron) , les petites montent jusqu'au niveau de l'herbe (ligne verte), les grandes jusqu'au ciel (ligne bleue) et celles qui descendent s'arrêtent au feu (ligne rouge).
- si la difficulté d'écriture réside dans la tenue du crayon, plusieurs options:
--> présenter le crayon avec la pointe vers lui et non pas le contraire, le placement des doigts se fait presque obligatoirement dans le bon sens.
--> demander de tenir une boule de ouate avec l'annulaire et l'auriculaire, cela ne laisse plus que 3 doigts pour tenir le crayon (bien que les spécialistes acceptent maintenant 4 doigts).
--> passer la main et le stylo dans un élastique placé en 8. Cela permet à l'enfant, pour qui la tenue de l'outil scripteur est déjà un effort praxique important, de pouvoir se concentrer vraiment sur le geste d'écriture sans être parasité par une autre tâche.
En production d'écrit:
J'utilise des étiquettes et des planches de conjugaison que j'ai déjà présentées dans d'autres articles.
En numération:
- tout matériel permettant d'utiliser du concret est bon.
Personnellement j'utilise les boîtes de Picbille,
les réglettes cuisenaire
et le matériel de numération en base 10.
- Pour certains enfants, quelques nombres "bloquent" au moment de réciter la comptine numérique. Il m'est arrivé, pour que ce nombre s'inscrive dans leur mémoire, ponctuellement d'associer un geste à ce nombre. Dans certains cas, j'ai demandé à l'enfant de trouver un geste lui-même, cela peut être un geste associé au son entendu, comme le geste du son [k] pour dire quatorze par exemple, ou un geste tout à fait inventé. Si l'enfant n'en trouve pas, je propose parfois aussi de se référer à la LSF (Langue des Signes Française). Je ne connais pas particulièrement cette langue, mais j'ai toujours mon accès internet à portée de main et on cherche ensemble le geste correspondant. On l'oubliera dès que le nombre sera fixé.
En calcul:
- l'emploi des tables d'addition ou de multiplication ou tout autre mémo.
- l'utilisation de tableaux pour positionner les chiffres dans les bonnes cases lors des techniques opératoires. On en trouve sur le site du cartable fantastique. ici
Dans le domaine "questionner le monde" :
- ainsi que pour tout apprentissage de leçons, l'emploi des cartes mentales commence à faire ses preuves, à condition qu'il soit accompagné dans sa mise en place et que les notions clé soient comprises et les images parlantes pour l'enfant.
- donner un texte plus court.
- donner en amont les mots clés pour que l'enfant fasse sa recherche personnelle et arrive en classe en ayant déjà une idée de la notion qui sera abordée.
... La liste est évidemment non exhaustive et certaines adaptations sont faites spontanément, sans même se dire que c'en sont. Il ne faut pas forcément envisager des choses extraordinaires. Mais le plus important, pour que cela réussisse est que l'enfant soit partenaire de ces différenciations et ne soit pas stigmatisé, ni par l'adulte, ni par les autres enfants. Beaucoup d'enfants refusent les adaptations car ils veulent faire comme les autres. L'idéal, à mon sens, est que plusieurs enfants puissent bénéficier de différentes adaptations dans la classe et même que celles qui sont faites pour l'un puissent être utilisées par d'autres, cela aide à faire passer la pilule... Tout cela doit être réalisé dans un climat bienveillant de la part de tous.
Tags : ASH, adaptation, compensation, outils, individualisation, pédagogie différenciée
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Commentaires
Hey mais il est chouette cet article ! Merciiii :)
Merci Ayleen, j'ai vu que c'est un thème similaire à celui que tu traites ce mois-ci... On est sur la même longueur d'ondes...
Oui, j'ai l'impression aussi :). Les deux articles se complètent assez bien je trouve :). J'ai bien aimé les astuces pour l'écriture surtout !